Epicure*** (Le Bristol)

28 Avril 2016

Il y a des découvertes culinaires qui me font prendre la plume (enfin le clavier) dès mon repas terminé. C'est comme un besoin, il faut écrire tout de suite, pour ne pas laisser échapper la magie de l'instant, pour ne rien oublier du plaisir gustatif que j'ai eu. Et puis, il y a des expériences qui me transportent tellement loin qu'il me faut un temps pour les apprivoiser, pour comprendre ce qui m'est arrivé et peut-être aussi pour garder un peu pour moi cet enchantement.

J'ai donc laissé passer quelques semaines avant de vous livrer un peu de l'expérience exceptionnelle que j'ai vécue au restaurant gastronomique du Bristol, Epicure.
C'est certainement l'une des tables les plus prestigieuses de la capitale et j'ai compris pourquoi. Chaque jour, à chaque service, le chef Eric Fréchon, chef des cuisines du palace depuis 1999, et son équipe, s'attachent à proposer l'excellence de la haute gastronomie.

La soirée (mémorable) s'est déroulée en deux temps puisque j'ai démarré le dîner au coeur des cuisines du palace, dans le bureau du chef Eric Fréchon, pour finir dans la très chic salle de restaurant, comme tous les convives du soir.

Après de délicieuses mises en bouche et, il faut l'avouer, un ou deux morceaux de pain (qu'il a été difficile de choisir tant les différentes propositions faisaient envie), nous avons démarré ce festival des saveurs par un met d'exception, le Caviar de Sologne et sa mousseline de pomme de terre ratte fumée au haddock / Croustillant de sarrasin aigrelette. Tant de douceur dans ce monde...est-ce possible ? L'onctuosité de la mousseline fouettée par l'explosion iodée des grains de Caviar. Une évidence.

Vient ensuite le poireau d'ile-de-France, cuit entier au grill, beurre aux algues qui sert de lit douillet à un tartare d'huîtres "Perle Blanche", cébette et citron. Une entrée signature du chef qui met en valeur un légume simple.

On continue dans la catégorie signatures du chef ! J'ai été littéralement séduite par les incontournables et inimitables macaronis farcis, truffe noire, artichaut et foie gras de canard, gratinés au vieux parmesan. Je suis presque restée bouche bée, sans pouvoir sortir un son, tant ce plat est une claque. C'était sans savoir ce que la suite nous réservait...

Tout d'abord côté marin, ce fabuleux homard bleu rôti dans sa carapace au beurre salé, polenta moelleuse aux asperges vertes et truffe noire que le Chef est venu lui-même napper de sauce avant de retourner au passe.

Pour la viande, lorsque j'ai choisi le Ris de veau doré au sautoir, braisé à l'amaretto accompagné d'un confit d'oignons rouges aux amandes fraîches, le Chef m'a demandé avec un sourire malicieux si j'étais bien certaine de ne pas vouloir la Truffe. En fan inconditionnelle de ris de veau, j'ai maintenu mon choix mais comme nous étions deux, il ne m'a pas fallu longtemps pour comprendre le message subliminal du Chef. Je précise tout de même que ce ris de veau version sucré/salé était divin...

Le ris de veau...à tomber

Nous n'avons pas goûté un plat, nous avons véritablement vécu une expérience culinaire.
La Truffe Noire du Périgord cuite en croûte de sel aux senteurs de sous-bois est dressée avec une purée de topinambours et accompagnée d'une mousse de persil plat. Lorsqu'on croque dedans, c'est un ensemble de textures, senteurs et saveurs qui envahissent le palais. Pour les amateurs de truffe, c'est l'extase, pour les plus dubitatifs, certainement une pure découverte. Dans les deux cas, c'est une expérience. Unique.

La truffe entière

Après ces émotions salées, nous avons changé d'environnement pour découvrir le restaurant qui se trouve maintenant dans l'ancienne très chic salle d'été, donnant sur les jardins du palace.
Après un pré-dessert glacé à base de pamplemousse et d'hibiscus, nous avons dégusté le Citron de Menton givré au limoncello, poire et citron confit puis le Chocolat du Pérou en cabosse, mousseux et croquant, sorbet chocolat.

Des desserts parfaitement exécutés, aux goûts francs. Cependant, est-ce le changement d'atmosphère ? Est-ce le froid qui régnait près de la baie vitrée ? Est-ce mon palais qui enregistrait encore les informations exceptionnelles reçues précédemment et qui n'était pas prêt ? Je n'ai pas la réponse mais j'avoue ne pas avoir autant apprécié les desserts que la première partie du repas.

Je reste bluffée par tant de maîtrise et d'excellence. La cuisine d'Epicure est classique, précise mais c'est surtout une cuisine de goût. Une cuisine qui sublime un produit à chaque plat, une cuisine qui tend certainement à se simplifier, à s'alléger. Une cuisine qui évolue avec son temps. C'est dans tous les cas, une des meilleures cuisines que j'ai eu la chance de déguster.

Après mon passage dans quelques maisons de la haute gastronomie, je comprends pourquoi il y a si peu d'élus dans la galaxie des "3 étoiles". Il faut non seulement assurer la perfection mais surtout proposer l'exception.
Ca ne s'explique pas, ça se vit.

Merci Eric Fréchon pour ce moment gravé dans ma mémoire.