SAGA L'eau minérale à la bouche

EPISODE #5

Après moins d'une heure en train de Paris, me voilà devant cette magnifique et imposante devanture du Domaine des Crayères, prête à échanger avec le chef 2 étoiles, Philippe Mille, membre du Collectif Mineral Water Natural Lover. Je suis ravie car c'est la première fois que je rencontre ce chef en tête à tête.
Originaire de la Sarthe où il a passé son CAP/BEP, d'abord en pâtisserie puis en cuisine, Philippe Mille a travaillé pendant quinze ans dans de prestigieuses maisons parisiennes (le Meurice avec Yannick Alleno, le Pré Catelan avec Frédéric Anton, Lasserre et le Ritz avec Michel Roth, et Drouant, notamment). Après avoir abordé différentes visions de la cuisine auprès de ces grands chefs, Philippe Mille (MOF) a pris les commandes des cuisines du Domaine de Crayères, il y a huit ans "Nous sommes partis de zéro, il fallait faire vivre et faire évoluer cette belle maison". Il y a inscrit son empreinte culinaire faite de classicisme et de régionalisme, teintés d'une touche de modernité pour s'adapter aux goûts d'aujourd'hui. Rencontre.

PHILIPPE MILLE L'eau minérale à la bouche

Quels sont les marqueurs de votre cuisine ?
Je dirais le terroir et le classique. J’ai été élevé à la campagne, avec les vaches les cochons, le potager et le verger, à côté de Le Mans, et j’avais besoin de retrouver un peu cela ici, dans ma cuisine. Ce que je n’avais pas forcément à Paris où c’était plus un rassemblement de produits distribués sur les différents restaurants. Ici, il y a plus une identité sur le terroir.
J’ai travaillé avec beaucoup de chefs MOF qui avaient cette base de cuisine classique, j’ai tout appris avec eux. Mais attention, cuisine classique ne veut pas dire vieille cuisine. Cela veut dire respecter le produit, les cuissons, les goûts... donc ma cuisine est vraiment sur cette base traditionnelle, avec une touche plus contemporaine puisqu'elle est adaptée au monde d’aujourd’hui. Je vais enlever la farine, baisser la crème, faire une cuisine pus allégée, mais tout en gardant l’identité et la valeur du produit, le visuel aussi car c
’est important de pouvoir s’y retrouver dans l'assiette.

Parlez-moi de votre terroir.

Ici, le terroir est très marqué par le champagne bien entendu. Nous avons une belle carte de champagne, avec 800 références. J’avais besoin de retrouver le pendant du verre dans l’assiette, donc à mon arrivée en 2009, je suis allé chercher des producteurs autour de la maison, des artisans, des passionnés. Nous travaillons avec 54 producteurs aux alentours, quasiment mono-produit. Cela nous permet de faire une cuisine que j'appelle plus "intelligente", en lien avec les saisons bien sûr.


Ces échanges avec les artisans sont précieux, avez-vous des liens étroits avec eux ?

Oui bien sûr ! Je vais vous donner des exemples concrets. Une dame qui travaillait dans l’armée a hérité d’un terrain de son père en 2009. Elle ne savait pas quoi en faire. Elle a planté quelques crocus et est venue en 2010 avec une pipette contenant un peu de safran, à peine un gramme. Elle voulait un retour de chef et m'a demandé ce que j’en pensais. On a goûté et beaucoup aimé. Je lui ai acheté son gramme pour qu’elle rachète d’autres crocus et qu’elle continue sa production. On arrive maintenant à 150g de safran, ce qui fait quasiment notre utilisation à l’année. Je ne peux pas dire qu’il est moins bon ou meilleur qu’un safran marocain, mais il est produit juste à côté et cela fait la différence.

 

Un autre exemple est Monsieur Cognard qui nous fait nos volailles, des poulardes notamment. Son fils fait des agneaux. A l'origine, il faisait de gros agneaux, très typés, qu’on pouvait retrouver un peu partout dans la région. Il n’était plus motivé donc je lui ai proposé d’évoluer en travaillant sur un agneau de lait, moins gros et plus tendre. Il ne connaissait pas, il a tenté l'expérience et il a sorti un agneau de lait la première année. On a fait la recette ensemble et on l’a dégustée en cuisine. Il a beaucoup apprécié. La 2ème année, je lui ai demandé d’en refaire 5  ou 6, et sans me le dire, il a fait toute sa production comme ça. Il avait trouvé une nouvelle motivation. Cela fait 6 ans que l’on travaille ensemble. Nous avons donc un vrai échange avec ces artisans. Nous nous faisons mutuellement évoluer.

PHILIPPE MILLE L'eau minérale à la bouche

Y a-t-il des produits spécifiques de la région que vous cuisinez ?
Les navets, comme la boulette de Bussy par exemple, qui est un navet beaucoup moins amer que certains, mais il n’y a plus que deux producteurs qui en font dans la région. On a la galeuse de la marne, c’est une courge très spécifique également. Nous avons également le rocroi, fromage à pâte cuite, mais de la même façon, il n’y a plus qu’un artisan qui en fait, et qui ne travaille que pour nous, trois mois de l’année. Nous sommes aussi là pour sauver ces savoir-faire et ce terroir

Le pigeon/betterave semble être un de vos plats signatures, pouvez-vous m'en parler ?

J’aime bien faire re-découvrir certains produits, comme la betterave, dont on a tous en tête la vinaigrette de la cantine. J'ai voulu remettre ces betteraves au goût du jour pour faire connaître leurs couleurs, leurs textures, leurs odeurs, qui sont si différentes. Nous travaillons avec un maraîcher qui cultive des légumes bios, dont la betterave, sur cinq variétés. Nous avons un producteur de pigeon que je connais bien donc j'assemble ce pigeon avec certaines variétés de betteraves, et je lie le tout avec une sauce au coteau champenois (car on parle beaucoup du champagne mais il y a aussi du vin rouge dans la région !). J’ai en réalité assemblé différents savoir-faire dans cette assiette, pour les mettre en valeur.

Ce plat signature revient six mois dans l’année, il est très demandé, et caractéristique pour moi, de notre terroir.

PHILIPPE MILLE L'eau minérale à la bouche
PHILIPPE MILLE L'eau minérale à la bouche

Qu’est-ce que serait le bien manger pour vous ?

C’est d’abord avoir un bon produit, qui a été élevé, cultivé, correctement, intelligemment. Nous travaillons beaucoup avec des produits bios. Je trouve qu'on a quelque chose de sain, avec beaucoup plus de goût. Nous sommes convaincus car nous avons fait les tests. Les parfums, les textures et les saveurs sont différents sur ces produits bios.

Donc avoir un bon produit et aussi avoir un équilibre dans le bien manger. On parle beaucoup de l’importance des fruits et des légumes, c’est très bien, mais je pense qu’il ne faut pas oublier de manger de la viande et du poisson. C’est un équilibre. Je pense qu’il ne faut pas aller dans les extrêmes. C’est comme l’eau minérale, on veut une eau qui soit bien équilibrée, qui ne soit pas trop acide par exemple. On veut globalement quelque chose de savoureux en bouche et de cohérent.

 

Quelle place a la naturalité dans votre cuisine ?

C’est important de respecter le produit et la manière dont il a été fait. J’invite beaucoup mes équipes les lundi et mardi, à visiter des maisons de champagne bien sûr, mais aussi des producteurs et des artisans pour voir comment ils travaillent et pour comprendre leur façon de travailler, leur philosophie. Pour qu’on respecte nous-mêmes ce travail et ce produit. C’est important que tout le monde en prenne conscience et que l'on respecte le savoir-faire et le produit sur la planche, c’est à dire ne pas en jeter la moitié, faire attention à la cuisson, à l’assaisonnement... Nous bichonnons le produit comme l’artisan producteur l’a fait avant. Et tout ça pour respecter le client, c’est le fil rouge de ma cuisine.

 

Quelle est l’importance de l’eau minérale ?

Nous avons une carte des boissons avec les eaux minérales que l'on a choisies. Nous sélectionnons les champagnes, nous sélectionnons les produits, donc c’est important d’avoir le même travail sur les eaux minérales. Les choses sont liées. Nous voulons que ces différentes eaux soient cohérentes avec notre vision. 

 

Pourquoi faire partie de cette démarche de valorisation des eaux minérales ?

C’est une belle démarche.C’est important de parler de la nature, des sources et de l’intérêt de les préserver. C’est le travail que l’on fait tous les jours donc c’est cohérent pour nous et également pour le client.  C'est bien de lui montrer cette vision, le respect de la nature, le respect de chaque produit puisque l’eau est un produit, pour mettre en avant le terroir français, avant tout.

 

En images: Quel serait le symbole de l'eau minérale selon vous ? 

https://youtu.be/AXBbkTkoto8

 

En images : Quels messages souhaitez-vous transmettre à travers le Collectif MWNL ?

https://youtu.be/Ydw_mpjK99I

 

Découvrez le havre de paix du Domaine des Crayères et la cuisine classique-chic du chef Philippe Mille >>

Pour en savoir plus sur le Collectif Minéral Water Natural Lover, je vous invite à vous rendre sur leur page Facebook >>

Je vous dis à la rentrée pour la suite de ces entretiens qui nous plongent au coeur du terroir de chefs d'exception. 

 

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