Dans les cuisines du Cinq **
Il y a des jours comme ça où l'on vit un rêve éveillé. Cela m'est arrivé récemment puisque j'ai eu la chance de passer quelques heures en immersion, dans les cuisines de Christian Le Squer au restaurant Le Cinq.
Suivez-moi je vous raconte !
Commençons par le commencement car pour ceux qui n'auraient pas vu passer le récit de mon expérience culinaire au Cinq, il faut une petite remise à niveau.
Après douze années triplement étoilées chez Ledoyen, Christian Le Squer est arrivé en octobre 2014 au restaurant du George V pour y apporter une nouvelle identité. Son identité.
La troisième étoile n'a pas eu le temps d'être décernée cette année mais la presse est dithyrambique au sujet de la cuisine de ce chef talentueux aux yeux plein de malice.
Ca tombe bien, car Christian Le Squer s'est donné comme mission de la décrocher rapidement cette étoile. Affaire à suivre donc...
Après une visite des différentes salles et cuisines, le Chef me présente sa brigade (110 personnes travaillent dans cette cuisine prestigieuse tout de même) !).
Plusieurs activités se côtoient sans vraiment se mêler : le banquet, la galerie (et le room-service) et le gastro. Les préparations démarrent tôt le matin et certains feux ne s'éteignent jamais puisque même la nuit, il faut être capable de répondre au moindre désir du client de l'hôtel.
A son arrivée, le Chef Le Squer a passé une semaine à réorganiser sa cuisine et sa brigade dont voici quelques-uns des grands principes : structure, hiérarchie, accompagnement, technique, humain, polyvalence et R&D.
Deux personnes travaillent chaque matin à partir de goûts et de tendances données par le Chef, pour réaliser les plats de demain. Car "il faut toujours prévoir le travail de demain. Qu'est-ce que sera notre cuisine ? On finit le chevreuil après la Saint-Valentin, que va-t-on proposer ensuite ? (…) On suit les saisons bien entendu donc par exemple on va bientôt travailller les premières asperges".
Au delà des saisons, il ne faut pas lasser la clientèle et "être en constante amélioration". Chaque semaine, le Chef et ses équipes changent deux ou trois plats de la carte. Un travail colossal quand on sait que trois semaines ont été nécessaires pour l'aboutissement du nouveau plat : la sole, et que sous mes yeux (et mes papilles), le Chef décide encore de changer le dressage de ce plat "Ca fait trop tatouage cette virgule non ?".
Après quelques riches échanges dans le bureau vitré du Chef, au coeur de l'animation, je suis parée d'un tablier, les mains propres, prête à mettre la main à la pâte et surtout à observer ce ballet de cuisiniers qui m'impressionne tant.
Petite anecdote, à son arrivée, le Chef a fait installer dans son bureau, une table et une petite banquette. Parce que "oui, un chef s'assoit et mange à table ! Je goûte aussi beaucoup, ça me permet de ne rien laisser passer".
Me voilà donc en commis de Clémentine que je vais aider dans la découpe de ces planches de spaghettis qui vont servir de coffre à la timballe de jambon, truffe noire et champignons. Regardez comme je me suis bien débrouillée !
Après un petit tour par les garde-mangers, je passe observer les postes des sauces (viandes et poisson)
Le Chef me met ensuite à la confection de la sphère gingembre faisant partie des amuse-bouches. Un petit rituel ludique (qui au passage, me glace la main gauche, mais c'est le métier qui rentre comme on dit!) dont je suis obligée de taire le secret.
Pas peu fière tout de même, mes sphères sont dressées en début de repas !
Petit à petit, on sent la pression du service monter. Le rythme change, les sens sont à l'affût, les cuisiniers en éveil, prêts à passer à l'action.
Le chef annonce les commandes au micro et les "Chef" et "Oui Chef" retentissent. Les plateaux sortent de la cuisine après inspection et validation de Christian Le Squer qui ne laisse rien au hasard.
Le service est lancé, dans l'action et le calme. Le Chef impose son autorité sans hausser le ton et fait passer les messages avec une gentille fermeté.
J'observe ce ballet et profite de la magie du spectacle avec humilité et respect. L'ambiance qui règne est studieuse et sereine, rehaussée d'un brin d'enthousiasme que l'on ressent chez ces passionnés. Un moment dont je me souviendrai longtemps...
Resté dans la discrétion de ses cuisines chez Ledoyen pendant de nombreuses années, Christian Le Squer a su y acquérir de l'assurance en tant qu'homme, et en tant que cuisinier.
Comme il me l'a confié, il est maintenant "Comme du bon vin, prêt à boire pour la communication !". Ca tombe bien, on aime beaucoup parler de lui.
A la question "Comment définiriez-vous votre cuisine ?", Christian Le Squer répond "Une cuisine élégante, empreinte de sensibilité. Une cuisine longue en bouche sur la base de mariages justes, avec beaucoup de couleurs. Une cuisine de palais, personnelle, comme un parfum."
Merci Chef, pour votre générosité, votre accessibilité et votre gentillesse. Merci de m'avoir ouvert vos cuisines et de m'avoir fait passer un moment magique. Je reviens faire la commis quand vous voulez !
Si vous voulez voir l'endroit du décor, ça se passe ici > Restaurant le Cinq